TA Rennes, 15 juillet 2025, req. n°2504302
Par Maître Vladimir Estène, avocat, LEXION AVOCATS
LES VARIANTES DANS LES MARCHES PUBLICS A L’EPREUVE DU JUGE DES REFERES PRECONTRACTUELS
TA Rennes, 15 juillet 2025, req. n°2504302
Par Maître Vladimir Estène, avocat, LEXION AVOCATS
Une Communauté d’Agglomération avait lancé une consultation en vue de la passation, selon une procédure avec négociation restreinte, d’un marché public de travaux pour la mise aux normes d’une station d’épuration consistant en un procédé de méthanisation intégré à la filière boue.
Un soumissionnaire évincé de la procédure de passation du marché a demandé au juge des référés précontractuels :
- A titre principal, d’annuler la décision de la Communauté d’Agglomération rejetant son offre et de lui enjoindre de reprendre l’examen des offres au stade de leur analyse et de leur classement ;
- A titre subsidiaire, d’annuler l’ensemble de la procédure de passation du marché.
Saisi de plusieurs moyens, le juge des référés précontractuels les a tous écartés.
Le troisième moyen mérite une attention particulière.
En premier lieu, le juge des référés a jugé que l’information donnée au soumissionnaire évincé était suffisante pour lui permettre de contester utilement son éviction, en ce qu’il avait reçu pour chacun des groupements, requérant et attributaire, les notes obtenues sur chacun des critères, ainsi que quelques précisions littérales sur les principaux points forts de chacune des offres.
En deuxième lieu, le moyen tiré de la dénaturation de l’offre du groupement requérant évincé a été également écarté, faute d’être assorti de précisions suffisantes. En effet, le juge a estimé que ce moyen se limitait à remettre en cause l’appréciation portée par l’acheteur sur les mérites de son offre, ce qui ne relevait pas de l’office du juge des référés précontractuels.
En troisième lieu, le moyen tiré de l’irrégularité de l’offre du groupement attributaire a été également écarté en ses deux branches.
D’une part, le juge a relevé que le groupement attributaire avait pu proposer une variante facultative, sachant que de telles variantes avaient été autorisées par le règlement de la consultation à condition de respecter les exigences minimales figurant au cahier des garanties souscrites.
En l’espèce, la variante avait consisté en une solution technique de déphosphatation biologique en anaérobie sans méthanisation, alors que les documents de la consultation pour la mise aux normes de la station d’épuration avaient prévu la mise en œuvre d’un procédé de méthanisation intégrée à la filière boue.
En l’absence de procédé de méthanisation, les rubriques du cahier des garanties souscrites consacrées à un tel procédé, assimilables à des exigences minimales à respecter par les soumissionnaires, ne pouvaient pas s’appliquer à l’offre de l’attributaire.
Pour le juge, cette circonstance n’était pas de nature à rendre l’offre irrégulière et ne pouvait constituer une rupture du principe d’égalité entre les candidats.
Ce faisant, le juge des référés a opéré une distinction entre la situation dans laquelle une variante doit être rejetée car elle ne respecte pas une exigence minimale contenue dans les documents de la consultation et la situation dans laquelle une variante peut être autorisée dans la mesure où l’exigence minimale prévue dans les documents de la consultation ne lui est pas applicable.
Selon nous, une telle solution est critiquable, car :
- Le dossier de consultation ne prévoyait visiblement pas expressément la possibilité de soumettre une variante sans méthanisation, et donc de ne pas se voir appliquer le cahier des garanties applicables au procédé de méthanisation ;
- Le soumissionnaire proposant une variante sans méthanisation se voyait soumis à de moindres contraintes que les autres soumissionnaires.
La solution aurait peut-être été différente si un moyen portant sur l’illégalité de la variante, en ce qu’elle modifie substantiellement l’objet du marché, avait été soulevé.
D’autre part, le juge a considéré que l’offre du groupement attributaire était bien conforme aux exigences impératives des documents de la consultation relatives à l’implantation des ouvrages.
En quatrième lieu, il était reproché au règlement de consultation de se contenter d’indiquer, au titre du critère de la valeur technique, que les prestations seraient jugées au regard d’un mémoire justificatif, qui, selon les termes de l’ordonnance, « pourra » être constitué des éléments qu’il énumère, sans en fournir une liste exhaustive.
Saisi d’un moyen portant sur l’imprécision du critère de la valeur technique, le juge n’y fait pas droit, en retenant que, eu égard aux libellés des différents sous-critères de la valeur technique, compte tenu des spécifications détaillées du cahier des clauses techniques particulières, le sous-critère de la valeur technique était suffisamment précis pour permettre aux soumissionnaires de répondre aux attentes de l’acheteur.
En cinquième lieu, le moyen tiré moyen tiré de la méconnaissance des articles R 2144-1 à R. 2144-7 du code de la commande publique, relatifs aux capacités, a été également écarté. Le juge a considéré que les candidatures des trois groupements qui avaient déposé leur dossier avant la date limite de remise des offres avaient été examinés le 20 juin 2023 et que le groupement attributaire avait transmis, avant le 18 juillet 2023, l’ensemble des pièces et attestations demandées au titre de la phase 2 de candidature.
En sixième lieu, le moyen portant sur la méconnaissance des règles de la consultation s’agissant de la prime attribuée a été écarté en raison de son inopérance. Le juge a considéré que la contestation du montant accordé ne se rapportait pas au respect par l’acheteur de ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence.
Par Me Vladimir Estène
