Par Maître Vladimir Estène, avocat et Maître Yann Borrel avocat associé LEXION AVOCATS
CAA Nancy, 25 novembre 2025, n° 21NC00939
L’arrêt commenté apporte d’utiles précisions sur les modalités d’établissement des comptes en application du CCAG Travaux de 1976.
Dans cette affaire, la société Exonia s’était vu confier par le SYDOM du Jura le lot n° 2 d’une opération portant sur les travaux de construction d’une unité de valorisation énergétique (UVE) pour un prix initial de 633 000 euros HT. La réception des travaux avait été prononcée le 18 mai 2018 avec effet au 23 mai 2018.
Par un jugement en date du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné la société Exonia à verser au SYDOM du Jura la somme de 40 469,24 euros au titre du solde du marché.
La société Exonia a alors relevé appel du jugement. Saisie, la cour administrative d’appel de Nancy a rappelé qu’il résultait du CCAG travaux de 1976 :
- Qu’il appartient à l’entrepreneur, après l’achèvement des travaux, de dresser un projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre et qui doit être remis au maître d’œuvre dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux ;
- Qu’il appartient ensuite au maître d’œuvre, faute pour l’entrepreneur de se conformer au délai fixé, et après mise en demeure restée sans effet, d’établir le décompte final, qu’il revient ensuite au maître de l’ouvrage d’établir, à partir de ce décompte final et des autres documents financiers du marché, un décompte général et de le notifier à l’entrepreneur, et que, si la signature du décompte général est refusée par l’entrepreneur ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés dans un mémoire en réclamation remis au maître d’œuvre ;
- Que si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, aucune décision n’a été notifiée à l’entrepreneur, celui-ci peut saisir le tribunal administratif compétent.
En application de ces stipulations, le décompte général ne peut pas être établi sans qu’ait été préalablement arrêté le décompte final, le cas échéant après mise en demeure adressée à l’entrepreneur.
En l’espèce, la cour a relevé :
- Qu’aucun des documents produits par les parties ne pouvait être regardé comme un projet de décompte final, établi par la société Exonia, et transmis au maître d’œuvre ;
- Que le SYDOM du Jura n’était pas davantage fondé à soutenir que la « proposition de décompte général et définitif » du 17 juillet 2018 pouvait constituer le décompte général du marché dès lors que, d’une part, aucun projet de décompte final n’avait été antérieurement établi et que ce document ne contenait pas les mentions exigées par l’article 13 du CCAG-Travaux, faute de contenir ledit décompte final et de respecter les prescriptions prévues au point 13.2 de ce même cahier.
En revanche, la Cour a considéré que la fixation du solde du marché pouvait intervenir sur le terrain du règlement des différends :
« 8. Toutefois, aux termes de l’article 50.22 du CCAG Travaux : » Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l’entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l’ouvrage « . Aux termes de l’article 50.31 du même document : » Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception par la personne responsable du marché de la lettre ou du mémoire de l’entrepreneur mentionné aux articles 21 et 22 du présent article, aucune décision n’a été notifiée à l’entrepreneur, ou si celui-ci n’accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l’entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché « .
9. Il résulte de l’instruction que, par un courrier reçu le 25 janvier 2019, la société requérante a transmis au syndicat un mémoire en réclamation, auquel le syndicat n’a pas répondu. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le litige opposant la société Exonia au SYDOM du Jura doit être regardé comme constituant un différend survenu directement, au sens de l’article 50.22 du CCAG Travaux, entre la personne responsable du marché et la société titulaire. La demande adressée au syndicat par la société ayant été implicitement rejetée, cette dernière était recevable à saisir le tribunal administratif de Besançon par sa requête du 24 juin 2019. »
Sur le solde du marché, la cour est parvenue à la conclusion que la société Exonia était redevable de la somme de 91 001,40 euros envers le SYDOM.
La société requérante n’était donc pas fondée à se plaindre de ce que c’est à tort que le tribunal administratif de Besançon l’avait condamnée à verser au SYDOM une somme de 40 469, 24 euros correspondant au solde du marché.
Par Maître Vladimir Estène, avocat et Maître Yann Borrel avocat associé LEXION AVOCATS
