Par Yann Borrel – Associé responsable du pôle d’expertise Affaires Publiques
La législation sectorielle de l’Union européenne relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) a été modifiée par la directive n° 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Cette directive complète, en ce qui concerne les DEEE, la législation générale de l’Union en matière de gestion des déchets et plus particulièrement les dispositions de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets.
Les auteurs de la nouvelle directive DEEE ont pris conscience du fait que les EEE sont une source de déchets de plus en plus importante compte tenu tout à la fois de l’expansion du marché concernant ces équipements et d’un phénomène d’accélération de leur remplacement par les usagers. Dans ce contexte, la directive fixe de nouvelles règles dans le but de limiter la consommation des ressources et la quantité de déchets à éliminer. A cette fin, elle a notamment prévu, à l’issue d’une période transitoire courant du 13 août 2012 au 14 août 2018, un élargissement du champ d’application de la législation relative aux DEEE par une redéfinition des catégories d’EEE couverts par ses dispositions (cf., annexes III et IV).
Rappelons qu’à la demande du Conseil de l’Union européenne, les panneaux photovoltaïques ont fait une entrée remarquée dans le champ d’application de la directive et ce, dès le début de la période transitoire, malgré l’opposition initiale du Parlement européen (cf., Exposé des motifs du Conseil, adopté par le Conseil le 19 juillet 2011). La directive vise également à améliorer l’efficacité de la collecte séparée des DEEE. A cet égard, elle fixe des taux de collecte minimaux à atteindre annuellement de plus en plus élevés. A titre d’exemple, à partir de janvier 2019, le taux de collecte minimal à atteindre annuellement devra être de 65 % du poids moyen des EEE mis sur le marché au cours des trois années précédentes dans l’Etat membre ou de 85% des DEEE produits, en poids, sur le territoire de cet Etat. De même, la directive encourage la préparation en vue du réemploi des DEEE collectés séparément en fixant des taux de valorisation qui augmentent dans le temps (cf., annexe V). Elle vise également à mieux encadrer les transferts transfrontaliers de DEEE afin de mieux lutter contre les exportations illégales de déchets (cf., annexe VI).
La transposition de la directive a été partiellement assurée par l’édiction du décret n° 2014-928 du 19 août 2014 relatif aux déchets d’équipements électriques et électroniques et aux équipements électriques et électroniques usagés. Ce décret, qui a été publié au journal officiel le 22 août dernier, a procédé à une refonte des dispositions des articles R. 543-172 et suivants du code de l’environnement.
Dans l’attente de la publication des arrêtés ministériels qui viendront préciser plusieurs dispositions du décret, on peut d’ores-et-déjà relever quelques unes des principales innovations introduites par ce texte.
En premier lieu, il convient de revenir sur le champ d’application de la réglementation relative aux DEEE, qui est précisé par les articles R. 172 et R. 172-1 du code de l’environnement. Durant la période transitoire, seuls seront concernés par la réglementation relative aux DEEE les EEE qui relèvent de l’une des 11 catégories et, le cas échéant des sous-catégories d’appareils, listées au paragraphe I de l’article R. 543-172. On observera que les panneaux photovoltaïques constituent, à eux seuls, une catégorie d’appareils. Il est prévu qu’à l’issue de la période transitoire (c’est-à-dire à partir du 15 août 2018), tous les équipements répondant à la définition d’EEE entrent dans le champ d’application de la réglementation, sous réserve des exceptions énumérées par les articles R. 543-172-IV et R. 543-172-I.
En deuxième lieu, on soulignera qu’un producteur établi dans un autre Etat membre de l’Union pourra, à titre dérogatoire, désigner par un mandat écrit une personne physique ou morale établie en France en tant que mandataire chargé d’assurer le respect des obligations qui lui incombent au titre de la réglementation relative aux DEEE. Cette souplesse vise à simplifier la charge administrative des producteurs de DEEE et à améliorer le bon fonctionnement du marché intérieur (cf., considérant n° 8 de la directive). Les conditions que le mandataire doit remplir pour accomplir sa mission seront précisées dans un arrêté ministériel (cf., article R. 543-175).
En troisième lieu, afin d’améliorer l’efficacité de la collecte séparée des DEEE, les consommateurs pourront se défaire de leurs DEEE de très petites dimensions (dont toutes les dimensions extérieures sont inférieures ou égales à 25 cm) dans les magasins disposant d’une surface d’au moins 400 mètres carrés dédiée à la surface des EEE. Un arrêté ministériel précisera les conditions dans lesquelles la reprise gratuite pourra s’effectuer (cf., article R. 543-180).
En quatrième lieu, on ajoutera que l’utilisateur ou le détenteur qui, tout en se défaisant d’un DEEE, ne souhaite pas bénéficier des solutions d’enlèvement et de traitement mises en place aux frais des producteurs sera tenu de transmettre à l’ADEME et au producteur du DEEE concerné des informations utiles à l’observation du traitement des DEEE. La nature et les modalités de transmission de ces informations seront également définies dans un arrêté ministériel (cf., article R. 543-199).
En cinquième lieu, le décret du 19 août 2014 définit des exigences minimales applicables
aux transferts transfrontaliers d’équipements électriques et électroniques usagés.
L’objectif est d’éviter les flux d’EEE hors d’usage vers des pays en développement (cf., considérant n° 15 de la directive). Ces exigences ont été définies dans une nouvelle sous-section de la partie réglementaire du code de l’environnement (articles R. 543-206-1 et suivants). Ces exigences sont de trois ordres.
Tout d’abord, lorsqu’il aura l’intention de transférer des EEE usagés à l’étranger, leur détenteur devra effectuer des tests afin de s’assurer du bon fonctionnement de chacun d’entre eux et d’évaluer la présence éventuelle de substances dangereuses. Le résultat de ces tests devra être consigné dans un procès-verbal d’essai (cf., article R. 543-206-2, paragraphe II).
Ensuite, avant tout transfert transfrontière, le détenteur devra fixer le procès-verbal d’essai soit sur l’EEE, soit sur son emballage (cf., article R. 543-206-2, paragraphe II). Chaque chargement d’EEE usagés devra être accompagné d’un document de transport pertinent (comme une lettre de voiture internationale) et d’une déclaration de la personne habilitée sur sa responsabilité (cf., article R. 543-206-2, paragraphe III).
Enfin, lorsqu’il procèdera au transfert des EEE, leur détenteur devra réaliser une déclaration qu’il devra tenir à la disposition des agents de l’Etat chargés de la police des déchets. A l’appui de sa déclaration, il devra être en possession des documents suivants:
– une copie de la facture et du contrat relatif à la vente ou au transfert de propriété de l’équipement électrique et électronique, indiquant que celui-ci est destiné à être réemployé directement et qu’il est totalement fonctionnel;
– une preuve d’évaluation ou d’essais, sous la forme d’une copie des certificats d’essais ou autres preuves du bon fonctionnement, pour chaque article du lot, et un protocole comprenant toutes les informations consignées conformément au II du présent article;
– une déclaration du détenteur qui organise le transport des équipements électriques et électroniques, indiquant que le lot ne contient aucun matériel ou équipement constituant un déchet.
Ces différentes exigences liées à « l’évitement de la qualité de déchet » ne s’appliqueront pas lorsqu’il pourra être prouvé que le transfert a eu lieu dans le cadre d’un accord de transfert entre entreprises et dans les conditions définies par l’article R. 543-206-3 du code de l’environnement. En l’absence de preuve qu’un objet est un EEE usagé et non un DEEE au moyen des documents évoqués précédemment (déclaration, procès-verbal d’essai ou encore document de transport) et en l’absence d’une protection appropriée, cet objet sera considéré comme un DEEE et le transfert sera regardé comme étant illégal (cf., article R. 543-206-4).
Pour l’instant, la portée exacte de ces dispositions demeure délicate à apprécier et suscite plusieurs interrogations, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les cas dans lesquels il pourra être fait régulièrement application de la procédure « d’évitement de la qualité de déchet ». Se pose également la question de l’articulation de cette procédure avec celle de « fin qualité de déchet », qui est prévue dans la législation générale relative déchets. Avec la publication du décret du 19 août 2014, s’ouvre le bal de la transposition du nouveau régime des DEEE. En effet, plusieurs projets d’arrêtés, qui ont déjà fait l’objet ou qui font actuellement l’objet d’une consultation auprès du public, devraient être publiés prochainement. Tel est le cas, en particulier, de l’arrêté relatif à la procédure d’agrément et portant cahier des charges des organismes coordonnateurs de la filières des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers en application des articles R. 543-182 et R. 543-183 du code de l’environnement. Il est actuellement soumis à la consultation du public.
Archive : Article paru en 2014
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