Par Me Marie-Coline Giorno, avocate of counsel – LEXION AVOCATS
Par un arrêt du 20 novembre 2025, n°23LY01473, la Cour administrative d’appel de Lyon a considéré qu’aucune disposition ne permettait au préfet d’abroger un récépissé de déclaration pris au titre de la réglementation des installations classées à la demande d’un tiers et que le préfet était, de ce fait, en situation de compétence liée pour refuser une telle demande.
Plus précisément, la Cour administrative d’appel de Lyon a considéré, au visa de l’article L. 512-8 du code de l’environnement, des articles L. 214-1 et suivants et de l’article L. 512-1 du code de l’environnement en vigueur :
« En ce qui concerne les conclusions à fin d’abrogation du récépissé de déclaration de l’installation classée pour la protection de l’environnement en litige :
[…]
7. Ni les dispositions du code de l’environnement, qui ne prévoient pas l’abrogation d’un récépissé de déclaration d’une installation classée pour la protection de l’environnement, ni celles du code des relations entre le public et l’administration citées au point 5, qui ne sauraient trouver à s’appliquer compte-tenu des règles spéciales prévues par le code de l’environnement rappelées au point 6, n’ouvrent au préfet le pouvoir d’abroger un tel récépissé de déclaration. Dans de telles conditions, le préfet du Rhône était tenu de rejeter la demande d’abrogation du récépissé de déclaration en litige, telle qu’elle lui a été adressée le 27 septembre 2021 par M. A… et Mme A….
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que, compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le préfet du Rhône pour rejeter la demande dont il était saisi, les moyens invoqués par M. A… et Mme A… visés plus haut, qui ne portent pas sur l’existence même de la situation de compétence liée, ne peuvent qu’être écartés comme inopérants. »
Cette décision est très intéressante en ce qu’elle considère que le préfet est tenu de rejeter une demande d’abrogation d’un récépissé de déclaration pris au titre de la réglementation des installations classées, y compris en cas de méconnaissance des prescriptions applicables ayant donné lieu à des sanctions administratives.
La Cour administrative d’appel considère que le code des relations entre le public et l’administration n’est pas applicable dès lors que le code de l’environnement prévoit une procédure spéciale en cas de manquement à des prescriptions (édiction d’une mise en demeure pouvant donner lieu, le cas échéant, à une fermeture ou suppression de l’installation en application de l’article L. 171-8 du code de l’environnement). Selon son analyse, cette procédure déroge aux règles du code des relations entre le public et l’administration concernant l’abrogation d’un acte administratif créateur de droit.
Cette décision clarifie une situation qui était, jusqu’à ce jour, assez floue. Elle vient ainsi fermer la porte à d’éventuelles demandes de tiers sollicitant l’abrogation de titres d’exploitation pris au titre de la réglementation sur les installations classées (déclaration mais également enregistrement ou autorisation).
Ce type de recours avait, en effet, tendance à se multiplier depuis que le Conseil d’Etat avait admis la possibilité d’abroger les autorisations d’exploitation des installations nucléaires de base lorsque les conditions légales permettant le fonctionnement de l’installation n’étaient plus remplies :
« 16. Il résulte des dispositions du code des relations entre le public et l’administration et du code de l’environnement citées aux points 2 et 3 qu’il incombe à l’autorité administrative investie du pouvoir de police des installations nucléaires de base de vérifier si les conditions légales permettant le fonctionnement de l’installation sont toujours remplies. Si elles ne le sont plus, il lui incombe alors de modifier l’autorisation de l’installation nucléaire de base en cause pour fixer les dispositions ou obligations complémentaires que requiert la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement et, lorsque ces modifications ne sont pas de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante les risques graves qu’elle présente pour ces mêmes intérêts, d’abroger l’autorisation. » (Conseil d’Etat, 28 décembre 2022, n° 444845)
La Cour administrative d’appel de Lyon refuse de s’inspirer de ce raisonnement en matière d’installations classées afin de conférer un réel effet utile à la procédure de sanctions administratives prévue par l’article L. 171-8 du code de l’environnement.
Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon est classé en C+ ce qui lui confère, à ce jour, une certaine portée jurisprudentielle.
Il serait utile que le Conseil d’Etat se prononce à son tour sur la question de savoir si un titre d’exploitation pris au titre de la réglementation sur les installations classées peut être abrogé à la demande de tiers lorsque l’installation méconnait les prescriptions qui lui sont applicables, que les conditions légales exigées pour son fonctionnement soient, ou non, remplies.
Par Me Marie-Coline Giorno, avocate of counsel – LEXION AVOCATS
