Par Me Vanessa SICOLI– Avocate- LEXION AVOCATS
La régularisation d’un permis de construire par l’obtention d’un arrêté de permis de construire modificatif est désormais totalement admise en jurisprudence et dans le code de l’urbanisme.
Néanmoins, dans un arrêt du 17 juin 2024, le Conseil d’Etat a récemment jugé nécessaire que la régularisation soit précisément l’objet du permis modificatif pour que le juge puisse le considérer comme tel.
Le Conseil d’Etat est ainsi venu préciser la mise en œuvre du régime de la régularisation d’une autorisation d’urbanisme entachée d’un vice par une autorisation modificative. CE, 17 juin 2024, n°471711
En l’espèce, le permis de construire initial avait été signé par l’adjoint au maire de la commune qui n’avait pas régulièrement reçu délégation du maire pour le faire. L’arrêté était donc entaché d’un vice d’incompétence. Une société immobilière, bénéficiaire dudit arrêté, a alors par la suite obtenu un permis de construire modificatif, cette fois-ci régulièrement signé.
Ce permis de construire modificatif, au-delà d’avoir été signé par l’autorité compétente, portait sur des modifications d’une partie du permis de construire notamment l’augmentation du volume du bâtiment et la modification d’une porte.
La Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 29 décembre 2022, n°20NC00260, 20NC00326) avait considéré que le vice initial, à savoir celui de l’incompétence du signataire, avait été régularisé par la délivrance de cette autorisation modificative :
« L’arrêté modificatif du 15 décembre 2020, pour lequel M. A… disposait ainsi d’une délégation de signature régulièrement entrée en vigueur, a régularisé le vice d’incompétence qui entachait l’arrêté du 6 décembre 2019, alors même que cet arrêté modificatif n’a pas été pris dans un but de régularisation et n’a eu pour objet et pour effet de ne modifier qu’une partie du permis de construire initialement accordé, le permis modificatif accordé tenant lieu, comme le permis initial, d’autorisation d’exploitation commerciale »
Le Conseil d’Etat quant à lui est venu censurer cette interprétation et a considéré qu’il :
« Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Nancy a jugé que le permis de construire modificatif délivré le 15 décembre 2020 à la société pétitionnaire, dès lors qu’il l’avait été compétemment, avait eu pour effet de régulariser le vice tenant à l’incompétence du signataire de l’arrêté du 6 décembre 2019, alors même que ce permis de construire modificatif n’avait pas été délivré dans le but de régulariser la compétence de son signataire et qu’il n’avait eu pour objet et pour effet que de modifier une partie du permis de construire. En déduisant ainsi de la seule circonstance que le permis de construire modificatif avait été délivré par l’autorité compétente qu’il pouvait être regardé comme ayant régularisé le vice d’incompétence dont était entaché le permis initial, alors qu’il lui appartenait de rechercher s’il résultait des pièces du dossier, tels que la chronologie dans laquelle s’inscrivait la demande de permis modificatif ou les échanges intervenus avec la commune à l’occasion de son instruction, que ledit permis modificatif avait eu en l’espèce cet objet de régularisation, la cour administrative d’appel de Nancy a entaché son arrêt d’erreur de droit. »
Partant, afin qu’une régularisation soit considérée comme telle et qu’elle soit acceptée, le permis de construire modificatif devra justifier de son intention de régulariser un vice (soit dans le dossier, soit au travers des échanges avec le service instructeur).
Ainsi, la prudence est de mise dans la rédaction des dossiers de demande de permis de construire modificatif intervenant en régularisation d’un vice : il est recommandé de demander cette régularisation explicitement !
Pour plus de renseignements, veuillez contacter notre avocate associée, responsable pôle Urbanisme Lou Deldique