Aides d’état : la commission déclare le nouveau régime national d’aides en  faveur du secteur éolien terrestre euro-compatible

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Par Yann Borrel – Associé responsable du pôle d’expertise Affaires Publiques

Dans un communiqué publié le 27 mars 2014, la Commission européenne a conclu que le nouveau régime français octroyant un soutien à la production d’électricité à partir d’éoliennes terrestres était compatible avec les règles de l’Union relatives aux aides d’Etat. Parallèlement, la Commission a ouvert une enquête approfondie afin d’examiner si les réductions sur les surtaxes sur les énergies renouvelables sont également conformes à certaines règles.

La déclaration de compatibilité du nouveau régime : l’horizon s’éclaircit pour les opérateurs éoliens.

Pour rappel, l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent et l’arrêté du 23 décembre 2008 le complétant ont institué un dispositif tarifaire de soutien à la production d’électricité à partir d’énergie éolienne. Ces arrêtés ont, plus précisément, pour objet d’obliger les opérateurs de distribution d’électricité à acheter l’électricité produite par les éoliennes à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité.

Les règles de l’Union ne sont pas hostiles au principe d’un mécanisme de soutien financier à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. En effet, le recours accru à ces énergies constitue l’une des priorités de l’Union dans le domaine de l’environnement. A cet égard, la Commission européenne reconnaît la possibilité pour les Etats membres de créer des dispositifs d’incitations financières afin de remédier aux défaillances du marché et d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la production totale d’énergie (cf., Lignes directrices du 1er avril 2008 concernant les aides d’État à la protection de l’environnement). Ces dispositifs n’en demeurent pas moins soumis au respect des règles du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) relatives aux aides d’Etat. Aux termes de l’article 108, paragraphe 3 du TFUE, un dispositif tendant à instituer une aide d’Etat doit, en principe, faire l’objet d’une notification aux services de la Commission européenne préalablement à sa mise à exécution. Pour être qualifié d’aide d’Etat, un dispositif doit remplir les quatre critères édictés à l’article 107, paragraphe 1 du Traité :

1. les avantages en cause résultent d’une intervention de l’Etat sont accordés au moyen de ressources d’Etat ;

2. ils accordent un avantage sélectif à leur bénéficiaire ;

3. ils faussent ou menacent de fausser la concurrence ;

4. ces avantages affectent les échanges entre Etat membres.

Au cas particulier, l’association Vent de colère a engagé un recours devant le Conseil d’Etat à l’encontre des arrêtés précités de 2008, en arguant notamment du fait que ces arrêtés avaient institué un mécanisme d’aide d’Etat en méconnaissance de l’obligation de notification préalable. Dans son arrêt en date du 15 mai 2012, le Conseil d’Etat a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur le point de savoir si le mécanisme de l’obligation d’achat doit être considéré comme une intervention de l’État ou au moyen de sources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1 du TFUE (Association Vent de Colère, req. n° 324852). Dans un arrêt en date du 19 décembre 2013, la Cour a répondu par l’affirmative à cette interrogation (Association Vent de Colère, Affaire C-262-12). En d’autres termes, le mécanisme institué par les arrêtés de 2008 satisfait au premier critère de qualification d’aide d’Etat.

Il est très vraisemblable que le Conseil d’Etat tire prochainement les conséquences de cet arrêt préjudiciel en jugeant que les arrêtés de 2008 ont institué un mécanisme d’aide d’Etat illégal, faute d’avoir été préalablement notifié auprès des services de la Commission européenne. En effet, la Haute Juridiction a jugé dans son arrêt du 15 mai 2012 que le mécanisme d’obligation d’achat remplit les trois autres critères de qualification d’aide d’Etat. Elle a ainsi jugé que l’achat par les distributeurs d’électricité de l’électricité produite par les éoliennes à un prix supérieur à sa valeur de marché constitue un avantage pour les producteurs qui est susceptible d’affecter les échanges entre États membres et d’avoir une incidence sur la concurrence (CE 15 mai 2012, Association Vent de Colère, précité).

L’hypothèse d’une qualification d’aide d’État du mécanisme d’obligation d’achat semble avoir été bien anticipée par le Gouvernement français. En effet, ce dernier a notifié à la Commission européenne son nouveau projet de dispositif de soutien à la production d’électricité à partir d’énergie éolienne terrestre. L’objectif est, évidemment, de satisfaire à l’obligation de notification préalable, mais également de faire examiner par la Commission européenne la compatibilité du nouveau régime avec le droit communautaire http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2013-07-11_Contentieux_eolien.pdf. Du reste, l’Etat ne peut mettre en œuvre en son dispositif d’aide tant que la Commission ne s’est pas prononcée sur la compatibilité du dispositif par une décision finale (cf., article 108, paragraphe 3 du TFUE). Sa stratégie semble en partie avoir été couronnée de succès puisque la Commission européenne vient d’annoncer dans un communiqué publié le 27 mars 2014 que le nouveau régime est compatible avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État. Pour l’heure, la décision finale de la Commission n’a pas été publiée. La version de la décision sera publiée sous le numéro SA.36511 dans le registre des aides d’Etat.

A la lecture du communiqué, on apprend que la Commission européenne a motivé sa décision par le fait que les tarifs de rachat devraient compenser uniquement les coûts additionnels et permettre un taux de rendement raisonnable conforme aux lignes directrices du 1er avril 2008 sur les aides en faveur de l’environnement. Le risque que les producteurs d’énergie éolienne bénéficient de surcompensations serait, ainsi, à l’avenir, écarté. On rappellera que les lignes directrices de 2008, qui sont dépourvues de valeur juridique contraignante, fixent les conditions dans lesquelles les aides au fonctionnement en faveur de la promotion des énergies renouvelables sont compatibles avec le marché de l’Union européenne (paragraphes 107 et suivants). Enfin, dans son communiqué, la Commission européenne a précisé que l’adoption de nouvelles lignes directrices concernant les aides dans le domaine de l’environnement et de l’énergie pour la période 2014-2020 est prévue pour le 9 avril 2014.

La mise en cause des mécanismes de réductions fiscales sectoriels : l’horizon s’assombrit pour les « grands consommateurs d’énergie ».

Lorsque le Conseil d’Etat aura rendu sa décision dans l’affaire Vent de Colère, le débat rebondira sûrement sur la question du mode de financement du mécanisme de soutien au secteur éolien. On rappellera que pour financer le soutien aux parcs éoliens, chaque consommateur d’électricité en France doit acquitter la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Le montant de la contribution est calculé au prorata de la quantité d’électricité consommée (cf., article L. 121-11, alinéa 1er du code de l’énergie). Cependant, la loi prévoit plusieurs exceptions au bénéfice des « grands consommateurs d’énergie » :

– la CSPE n’est pas due lorsque le montant annuel par site de consommation excède 569 418 € en 2013 (cf., article L. 121-12 du code de l’énergie) ;

– l’électricité produite par un producteur pour son propre usage ou achetée pour son propre usage par un consommateur final à un tiers exploitant une installation de production sur le site de consommation n’est prise en compte pour le calcul de la contribution qu’à partir de 240 millions de kilowattheures par an et par site de production (cf., article L. 121-11, alinéa 2 du code de l’énergie) ;

– pour les sociétés industrielles qui consomment au moins 7 GWh par an, la CSPE est plafonnée à 0,5 % de leur valeur ajoutée annuelle (cf., article L. 121-21 du code de l’énergie).

Dans son communiqué, la Commission précise qu’elle a ouvert une enquête approfondie sur l’ensemble des réductions fiscales accordées aux grands consommateurs d’énergie. D’après le communiqué, ces réductions pourraient leur conférer un avantage sélectif qui pourrait fausser la concurrence au sein du marché de l’Union. Alors que la possibilité d’octroyer ces réductions n’est pas prévue dans les lignes directrices de 2008 sur les aides en faveur de l’environnement, la Commission européenne a fait observer dans son communiqué qu’elle envisage d’inclure dans les futures lignes directrices des dispositions permettant l’octroi de réductions pour les grands utilisateurs d’énergie, sous certaines conditions, afin de préserver leur compétitivité. Leur publication le 9 avril prochain permettra d’y voir plus clair sur ce point.

Du côté des particuliers et des entreprises qui sont assujetties au paiement de la CSPE, le débat ne semble pas non plus clos. En effet, plusieurs milliers de courriers auraient déjà été adressés à la Commission de régulation de l’énergie réclamant un remboursement de la CSPE. Il est toutefois permis de douter du bien-fondé de ces demandes. En effet, la jurisprudence récuse tout lien d’automaticité entre l’illégalité d’une aide d’Etat et l’illégalité de la mesure de financement de cette aide. Le Conseil d’Etat juge ainsi « qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d’une part, que les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d’Etat, à moins qu’elles constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure, d’autre part, que, pour qu’une taxe, ou une partie d’une taxe, fasse partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe soit nécessairement affecté au financement de l’aide et que le montant de la taxe influence directement le niveau de l’aide » (CE 9 novembre 2011, SNC Stop Hôtel Villeneuve d’Ascq, req. n° 323273, concl. Aladjidi, Droit fiscal n° 5, 2 février 2012, comm. 127). Au cas particulier, il conviendrait notamment de démontrer que la CSPE influence directement le niveau de cette aide, ce qui pourrait prêter à discussion.

Affaire à suivre, donc.

Archive : Article paru en 2014

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