Par Yann Borrel – Associé responsable du pôle d’expertise Affaires Publiques
L’article L. 516-1 du code de l’environnement (issu de la loi n° 93-3 du 4 janvier 1993 relative aux carrières), subordonne la mise en activité d’ICPE définies par décret en Conseil d’Etat à la constitution de garanties financières.
Jusqu’à une date récente, seules étaient concernés par cette obligation les installations de stockage de déchets, les carrières, les installations susceptibles de donner lieu à des servitudes d’utilité publique au sens de l’article L. 515-8 du code de l’environnement ainsi que les sites de stockage géologique de dioxyde de carbone.
Toutefois, le décret n° 2012-633 du 3 mai 2012 a fait entrer dans le champ d’application de l’article L. 516-1 du code (et a donc soumis à l’obligation de constituer des garanties financières) :
les installations soumises à autorisation ICPE,
et les installations de transit, regroupement, tri ou traitement de déchets soumises à autorisation simplifiée (c’est à dire à enregistrement), susceptibles, en raison de la nature et de la quantité des produits et déchets détenus, d’être à l’origine de pollutions importantes des sols ou des eaux (C. env., art. R. 516-2, 5°).
Un arrêté ministériel du 31 mai 2012 (NOR : DEVP1223491A) établit la liste de ces installations et le cas échéant, les seuils au-delà desquels elles sont soumises à l’obligation de constituer des
garanties financières du fait de l’importance des risques de pollution ou d’accident qu’elles présentent.
Echéanciers de constitution des garanties financières
Aux termes de l’article R. 516-5-1 du code de l’environnement, les échéanciers de constitution des garanties financières diffèrent selon que les installations sont dites « nouvelles » ou « existantes ».
Dans le silence des textes, une note de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du Ministère de l’Ecologie en date du 20 novembre 2013, intitulée « Installations classées – Note relative aux garanties financières pour la mise en sécurité des installations définies au 5° du R. 516-1 du code de l’environnement», précise ce qu’il faut entendre par « installation nouvelle ». Tel est le cas, notamment, d’une installation dont le pétitionnaire transmet son dossier de demande d’autorisation au préfet après le 1er juillet 2012 ou encore d’une installation qui passe du régime de la déclaration au régime de l’autorisation consécutivement à une augmentation de sa capacité ou encore d’une installation faisant l’objet d’une régularisation, car elle exploitait sans autorisation.
Toutes les installations « nouvelles » doivent être mises en conformité avec les obligations de garanties financières dès le 1er juillet 2012 (C. env., art. R. 516-5-1, al. 2). L’intégralité des garanties doit avoir été constituée avant leur mise en activité. Il n’est pas exigé, en revanche, que les garanties financières soient déjà constituées au moment de l’autorisation.
Si elles n’échappent pas à l’obligation de constitution de garanties financières, les installations « existantes » en date du 1er juillet 2012 sont néanmoins soumises à cette obligation de manière progressive et pour certaines d’entres elles, de façon différée dans le temps. Sur ce point, il convient de se référer à l’arrêté du 31 mai 2012 fixant la liste des installations classées soumises à l’obligation de constitution de garanties financières en application du 5° de l’article R. 516-1 du code de l’environnement (NOR : DEVP1223491A).
L’annexe I de cet arrêté liste les installations existantes qui, en raison de l’importance des risques de pollution ou d’accident qu’elles présentent, sont mises en conformité à compter du 1er juillet 2012. Sont soumises à la même obligation, les installations mentionnées dans la première colonne du tableau de l’annexe II et dont les capacités excèdent les seuils définis dans la deuxième colonne de ce tableau.
En ce qui concerne ces installations, l’obligation de constitution des garanties financières a été étalée dans le temps selon l’échéancier suivant:
tout d’abord, elles doivent constituer 20 % du montant initial des garanties financières dans un délai de deux ans (en pratique, cela signifie que cette tranche devra être effectivement constituée avant le 1er juillet 2014) ;
ensuite, l’échéancier prévoit une constitution supplémentaire de 20 % du montant total par an pendant quatre ans, sauf en cas de constitution de garanties financières sous la forme d’une consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations (il est prévu, dans ce cas, une constitution supplémentaire de 10 % du montant initial des garanties financières par an pendant huit ans).
Les installations existantes qui sont mentionnées dans la première colonne du tableau de l’annexe II et qui respectent les seuils définis dans la troisième colonne de ce tableau devront être mises en conformité avec les obligations de garanties financières à compter de la date du 1er juillet 2017, selon le même échéancier que celui applicable aux installations existantes mentionnées dans l’annexe I.
En vue de l’établissement du montant de référence des garanties financières, l’exploitant doit transmettre au préfet une proposition de montant ainsi que ses justificatifs. L’exploitant doit se conformer aux modalités de calcul qui ont été définies dans l’arrêté du 31 mai 2012 relatif aux modalités de détermination et d’actualisation du montant des garanties financières pour la mise en sécurité des installations classées, NOR: DEVP1223490A, art 3, I).
Modalités de contestation des garanties financières
Selon la note de la DGPR en date du 20 novembre 2013, lorsque le montant proposé par l’exploitant est sous-estimé, le préfet peut modifier ce montant à partir de la méthode de calcul forfaitaire définie dans l’arrêté du 31 mai 2012 et de son retour d’expérience des coûts généralement constatés, après avoir échangé avec l’exploitant. En pratique, les services de l’inspection des installations classées vérifieront que l’exploitant n’a pas sous-estimé le montant proposé en contrôlant le respect par ce dernier des prescriptions de l’arrêté du 31 mai 2012, voire des recommandations de la note de la DGPR du 20 novembre 2013. S’ils estiment que le montant proposé a pu être sous-estimé, l’exploitant se verra octroyer un délai non impératif (en général, un mois) pour apporter les justifications de ce montant.
Rappelons que les exploitants n’ont pas à constituer leurs garanties lorsque le montant calculé est inférieur à 75 000 euros (C. env., art. R. 516-1, al. 7). Ce montant est toutes taxes comprises (TTC). D’après la note de la DGPR en date du 20 novembre 2013, lorsque le préfet estime, sur la base des informations fournies par l’exploitant, que le seuil de 75 000 euros n’est effectivement pas dépassé, il peut en donner acte par simple courrier. Cette même note précise néanmoins qu’un arrêté préfectoral complémentaire pourra prescrire les éléments qui ont été considérés comme existants dans l’évaluation du montant (dans ce cas, le montant de ces éléments n’a pas à être comptabilisé dans le montant des garanties à constituer), mais qui n’étaient pas déjà prescrits.
Si le préfet estime, malgré les justifications apportées par l’exploitant, que le seuil de 75 000 euros TTC est dépassé, ce dernier devra alors procéder à la constitution des garanties financières. A défaut, il s’expose à des sanctions prises conformément aux articles L. 516-1, alinéa 4 et R 516-4 du code de l’environnement.
Le montant des garanties est fixé dans l’arrêté d’autorisation (C. env., art. R. 516-2, II) ou, le cas échéant, dans un arrêté préfectoral complémentaire (C. env., art. R. 516-5).
L’exploitant a la possibilité de contester cette décision. Sur ce point, il convient de rappeler que les décisions fixant le montant des garanties financières relèvent d’un contentieux de pleine juridiction. En effet, l’article L. 514-6, I du code de l’environnement fait relever de ce contentieux, les décisions prises en application de l’article L. 516-1 du même code. Celles-ci peuvent être déférées par les exploitants à la juridiction administrative dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elles leur ont été notifiées. Dans le cadre de ce contentieux, le juge peut substituer sa propre décision à celle de l’administration et apprécie la légalité de l’acte qui lui a été déféré en fonction des éléments de la cause tels que ceux-ci se présentent au moment où il
se prononce. L’exercice d’un recours administratif ne fait pas courir un nouveau délai de recours contentieux de deux mois.
L’exploitant pourrait solliciter le retrait ou l’annulation de l’arrêté fixant les garanties financières, dans l’hypothèse où il parviendrait à démontrer qu’il a été soumis, à tort, à l’obligation de constituer ces garanties, alors que le montant calculé conformément aux prescriptions de l’arrêté du 31 mai 2012 est effectivement inférieur à 75 000 euros TTC.
Archive : Article paru en 2014
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